Bienvenue à l'ASE

Bienvenue à l'ASE Aujourd'hui, je vais vous raconter en quoi consiste un séjour à l'Aide Sociale à l'Enfance, ce qui ressort du système et ce qui explique que je ne supporte pas les gens qui se laissent couler volontairement.

Suite au divorce de mes parents, ma mère est tombée dans une sévère dépression. Le divorce a été très sale. Nos affaires ont été balancé sur le pallier, à l'arrache entre Noël et Nouvel An. Mon père a brûlé nos souvenirs le jour de Noël, nous a balancé nos cadeaux à la tronche et est partie rejoindre sa nouvelle famille.

Pendant deux ans, notre vie a été cahotique. A choisir entre manger, se laver ou payer les factures. Je songeais à arrêter mes études après le brevet pour passer un CAP et ramener des sous rapidement à la maison. Vous vous doutez à quel point j'étais jeune. Nous faisions la file sous la pluie avec ma mère, à nous relayer. Les parents de mes amies nous donnaient des vêtements. Mais, jamais, nous nous plaignions.

Puis, nous sommes passés de bureaux en bureaux, quelques semaines avant mon brevet. J'avais compris que nous ne serions plus à la maison bientôt. Ma mère avait baissé les bras, étant trop faible pour continuer. Mon père acceptait de nous avoir sous la condition que nous ne parlions plus jamais d'elle et que nous appelions sa nouvelle compagne, "Maman"...

L'ASE a pris le relais. Du jour au lendemain, l'un de mes frères m'a emmené dans un foyer en pleines vacances d'été. J'ai été prise de cours avant de dire au revoir à qui que ce soit. J'ai traîné en foyer, là où nous sommes entre dingues et paumés. La règle est simple, tu fais ta place ou tu vas te faire foutre. A 15 ans, je côtoyais des mères filles, des ados qui sniffaient des Dolipanes faute de coke, des nanas qui se passaient des rasoirs pour se mutiler ensemble... Fabuleux. Puis vint la famille d'accueil... Si j'avais su.

Ahlala l'esclavagisme moderne. Bienvenue. Me voilà à devoir chaque semaine laver le sol complet de la maison, faire les poussières, changer toutes les litières, faire à manger pour douze personnes, etc. Je n'avais pas de porte de chambre. Jusqu'à ma majorité, j'ai vécu avec une planche en bois comme séparation entre ma chambre et le couloir. Chaque mois, l'eau chaude nous était coupée un certain temps, parfois une journée, parfois toute une semaine. Vive les douches froides, les vêtements sur lesquels les animaux pissent... L'hiver, les huit chiens du jardin rentraient toutes les nuits dans la maison... Nous mettions du journal pour cacher les crottes.

Pour aller au lycée, nous ne pouvions pas allumer la lumière de la maison le matin. J'ai appris à tâtonner dans le noir, à me passer de manger avant de partir, à faire sans douche, à renoncer à ma vie. Mes amies n'avaient pas le droit de m'appeler mlà où je vivais. Même pas pour les devoirs. La loi sur l'autorisation des portables à l'ASE n'était pas encore effective. J'en avais dégoté un que je planquais chaque jour. Je payais en Mobicarte. J'appelais mes proches en PCV pour leur donner des nouvelles.

Les éducateurs envoyaient des courriers pour prévenir de leurs venues. Ces jours là, comme par hasard, j'étais propre, nickelle, j'avais eu le droit de ne pas faire la bonniche... Pour dire que ça allait. Je me confiais à la psychologue du service. Qui transmettait et écrivait sur mon dossier tout ce que je disais, violant le secret professionnel au passage. La famille d'accueil me suivait en voiture pour savoir si j'allais bien au lycée. Je pouvais voir leur voiture à des heures aléatoires de la journée pour vérifier que je ne séchais pas les cours, que je ne sortais pas avec mes amis pendant mes heures d'étude. Pour voir ma famille, j'en étais venue à calculer les heures d'ouverture de certains portails de services, les jours et les moments d'accès sans contrôle.

A ma majorité, j'ai voulu partir. Ils ont négocié que je reste contre mon gré, alors que j'avais fait mes demandes pour faire des études. Ils ont contrôlé et filtré chaque appel pour les jobs étudiants auxquels j'avais postulé pour démontrer que je ne cherchais pas à être indépendante. J'ai pêté un plomb, mon poing s'est levé au raz de la face de cette mégère qui contrôlait mon existence. De là jusqu'à mon départ dans un appartement social, j'ai cessé de lui parler. Elle ironisait sur mon sort, me disait que j'étais une putain, que je ne servais à rien, que j'aurais des enfants en partant de toute manière.

Après mon départ, elle a nié tous ces propos, et a écrit au service en disant que j'avais volé des objets chez elle. J'ai confirmé la fausseté de ses propos. J'ai du signer un contrat jeune majeur, jusqu'à mes 19 ans. Ce CJM est un poison. Tu as un logement social sous conditions. Mes dépenses étaient contrôlées, mes amis étaient contrôlés, ma vie sentimentale aussi. J'ai rien respecté, j'en avais rien à faire. En parallèle, l'ASE devait financer mes études... J'attends encore.

J'ai tout payé seule, la scolarité, les livres, les transports, la bouffe dans les restos universitaires... J'ai eu un mal fou pour toucher mes bourses d'études dans les temps, car il fallait fournir des papiers que mes parents n'avaient pas ou refusaient de me fournir. En rompant ce CJM, j'ai perdu l'appartement mais gagné ma liberté.


Donc, oui, comprenez que je fasse des bonds quand je lis qu'on est en dictature.
Parce que la dictature, je l'ai vécu plus de trois ans avec l'ASE, et ce n'est pas ce qu'on vit aujourd'hui.

On est contrôlé, c'est vrai, mais on est encore libre de nos mouvements, même si c'est la merde depuis le Covid.
Vous n'êtes pas suivi, je l'ai été bien des fois en trois ans. On ne coupe pas vos communications, on me l'a fait.
On ne rompt pas vos contacts sociaux, on me l'a fait. On ne vous empêche pas d'avoir une vie amicale et amoureuse, on me l'a fait.
J'ai eu plus de libertés sous Covid que je n'en ai eu pendant mon parcours à l'ASE


Oui, comprenez que certains petits cons qui gémissent que la vie est dure, alors que je connais leur vie et qu'ils ont eu bien des chances de s'en sortir, j'ai envie de leur mettre un aller retour.
Oui, comprenez que quand j'ai aidé pendant des années celui que je considérais comme ma moitié en payant ses dettes et en le faisant sortir de ses addictions pour qu'il y retourne en deux secondes et pour qu'il me tourne le dos en criant que je suis une fille toxique, mauvaise et cinglée, j'ai envie de bondir.

Oui, comprenez qu'outre l'abandon, j'ai soif de vérité et de justice et parfois, certains moyens sont limites pour y parvenir.
Licioula
Oui on use les mots pour faire des effets et ensuite il n'y en a plus d'autres pour nommer la réalité... C'est pareils pour fascisme et encore d'autres... comment échapper à la surenchère? En tout cas Merci pour ton récit, ça remets les pendules à l'heure... mais telles que je les connais el...
Lemon Cake
Merci à toi de ton retour. Oui, certaines personnes ne prennent ni consciences des possibilités qu'ils ont en réalité, ni de la portée de leurs mots et encore moins des cartes qu'on a en main et de quelles manières on les joue.
Licioula
Dans la Drôme l'ASE est terrible par rapport aux mineurs isolés... cherchant systématiquement prouver par tous les moyens que les mineurs ne le sont, pas allant même témoigner au tribunal...C'est terrible...
Lemon Cake
c'est tellement complexe la questions des mineurs isolés. Car certains le sont vraiment et d'autres non. Et comme administrativement, ils n'"existent" pas, l'Etat préfère les considérer comme majeur. Alors, qu'en fait, il n'y a strictement aucune preuve. L'ASE de la Drôme n'a pas à témoigner ...
Code Captcha
-->
Recharger le code
Saisir le code