Un silence assourdissant

Un silence assourdissant Une scène me vient à l’esprit. Moi enfant, mes parents se disputant. Je ne veux pas les entendre ! J’allume la télé, la radio, la musique, peu importe… Mais je les entends encore, je ne veux pas les entendre, leurs cris me font mal. Et je n’ai pas envie d’avoir mal. Je monte le volume, pour couvrir leurs voix bien-sûr, mais pour couvrir mon malaise aussi.

On ne s’entend plus hurler, il faut hurler plus fort ! Encore plus fort ! Le doigt collé sur la télécommande, espérant me perdre dans ces hurlements télévisuels sans fond. Mais on ne fuit pas la réalité si facilement. La réalité, elle veut qu’on l’entende, elle ne veut pas se faire oublier. Alors elle crie plus fort elle aussi. Un tourbillon infernal commence, on ne comprend plus rien, ni les cris des parents, ni la télé. Il ne reste plus que cette cacophonie délirante, assourdissante. Et des images qui défilent, hypnotisantes, anesthésiantes.

Nous sommes tous cette enfant. Chaque jour, inlassablement cette scène se reproduit. Cette cacophonie c’est notre quotidien. On se gave de conneries plus bruyantes les unes que les autres, plus abrutissantes les unes que les autres… L’anesthésie est générale !

On ne veut pas entendre les cris de douleur, les cris de rage de nos voisins. Alors on monte le son, toujours plus fort. Mais notre propre douleur, notre propre rage, notre malaise, comment faire pour ne pas l’entendre, pour l’éviter, l’oublier ? Courir dans tous les sens.

On court pour aller faire un boulot de merde qui ne sert qu’à rembourser les crédits. On court pour aller faire les courses, les magasins. On court pour rentrer chez soi et s’affaler très vite devant la télé. On court rejoindre nos semblables alcoolisés le samedi soir, et hurler des conneries plus fortes que la réalité.

Ne surtout pas se retrouver seul face à soi-même. Seul face à son âme, à sa conscience. Elle souffre, mais on ne veut pas l’entendre. Alors on choisit de s’hypnotiser, de s’anesthésier…

Silence, on meurt…