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SUR LES ÉLECTIONS : S’ORGANISER.
(avril 2015)




Je crois que c’est le défunt Tata Juan Chávez Alonso qui a dit que les partis partagent les peuples, les divisent, les font s’affronter, se battre jusqu’entre familiers.

Et c’est bien ce que nous voyons de temps à autre sur ces terres.

Vous savez que dans plusieurs communautés où nous sommes, eh bien il y des gens qui ne sont pas zapatistes, et qui restent ainsi sans s’organiser, vivant mal et attendant que le mauvais gouvernement leur donne leur aumône pour en tirer quelques photos montrant que le gouvernement est bon.

Alors nous voyons que, à chaque fois qu’il y a des élections, certains se mettent en rouge, d’autres en bleu, d’autres en vert, d’autres en jaune, d’autres décolorés, et voilà. Et ils se disputent entre eux, parfois même entre membre d’une même famille ils se battent. Pourquoi ils se disputent ? Eh bien pour voir qui va les commander, à qui ils vont obéir, qui va leur donner des ordres. Et ils pensent que si telle couleur gagne, eh bien ceux qui ont soutenu cette couleur vont recevoir plus d’aumône. Et alors nous voyons qu’ils disent qu’ils sont très conscients et sûrs d’être partisans, et parfois même ils se tuent entre eux pour une satanée couleur. Car c’est le même qui commande aujourd’hui qui veut la place, parfois il est revêtu de rouge, ou de bleu, ou de vert, ou de jaune, ou il prend une nouvelle couleur. Et ils disent qu’ils sont du peuple et qu’il faut les soutenir. Mais ils ne sont pas du peuple, ce sont les mêmes gouvernants qui un jour sont députés locaux, d’autres sont syndics, d’autres sont permanents d’un parti, qui sont maintenant maires et c’est comme ça qu’ils passent d’un siège à l’autre, et passent également d’une couleur à l’autre. Ce sont les mêmes, les mêmes noms, c’est la famille, les fils, les petits-fils, les oncles, les neveux, les parents, les beaux-frères, les fiancés, les amants, les amis des mêmes enfoirés et foireux de toujours. Et ils disent toujours les mêmes mots : ils disent qu’ils vont sauver le peuple, que désormais ils vont bien se comporter, qu’ils ne vont plus voler autant, qu’ils vont aider les défavorisés, qu’ils vont les sortir de la pauvreté.

Bon, eh bien alors ils dépensent leurs petits sous, qui bien sûr ne sont pas à eux mais qu’ils tirent des impôts. Mais ces foireux et fumiers ne les dépensent pas à aider ou à soutenir les défavorisés. Non. Ils les dépensent à mettre leurs placards et leurs photos sur leurs propagandes électorales, dans les pubs des radios et télévisions commerciales, dans leurs journaux et revues payantes, et ils apparaissent même au ciné.

Enfin bon, ceux qui dans les communautés sont très partisans en temps d’élection et très conscients de la couleur qu’ils portent, lorsque a gagné qui a gagné, tous prennent cette couleur, parce qu’ils pensent qu’ainsi ils leur donneront un petit cadeau.

Par exemple, maintenant ils vont leur donner leur télévision. Bon, comme zapatistes que nous sommes, nous disons qu’ils leur donne une boîte à merde, parce que cette télévision va leur apporter un paquet de merde. Mais si avant ils leur donnaient ou ne leur donnait pas pleinement, maintenant ils ne donnent et ne donneront rien.

S’ils leur donnaient, eh bien c’était pour les rendre paresseux. Ils ont même oublié comment travailler la terre. Ils sont juste là, attendant qu’arrive la paye du gouvernement pour la dépenser en boisson. Et ils sont là dans leurs maisons, se moquant de nous parce que nous allons cultiver, et eux ne font qu’attendre que rentre la femme, la fille, pour l’envoyer chercher les provisions, le soutien du gouvernement.



Mais avant ça arrivait, mais ça n’arrive plus. « Qu’est-ce qui se passe ? », demande le partisan. Et il pense que cette couleur ne sert plus, et il essaye une autre couleur. Et c’est pareil. Dans les assemblées de partisans ils se mettent en colère, ils cirent, ils s’accusent entre eux, s’appellent traîtres, vendus, corrompus. Et il s’agit de ça, ceux qui crient et ceux sur qui on crie sont bien des traîtres, des vendus et des corrompus.

Et donc, comme on dit, la base des partisans, hé bien, se désespère, s’angoisse, est en peine. Il n’y a plus de moqueries parce que dans nos maisons zapatistes il y du maïs, il y a des haricots, il y a des légumes, il y a un peu d’argent pour les médicaments, les vêtements. Et du travail collectif on sort de quoi nous soutenir entre nous en cas de besoin. Il y a l’école, il y a la clinique. Ce n’est pas que le gouvernement vienne nous aider. C’est que nous-mêmes nous nous aidons entre compagnons zapatistes et avec les compañeroas de la Sexta.

Alors vient le frère partisan tout triste et il nous demande ce qu’il fait, cet idiot.

Bon, hé bien sachez ce qu’on répond :

Nous savons bien que ça se passe comme ça.

Mais, en tant que zapatistes aussi, nous sommes conscients qu’il y a toujours des gens qui, dans d’autres parties de la ville et de la campagne, tombent ainsi dans ce truc de partisans.

Et puis bon, ça semble très attirant ces trucs de partisans, parce que là-bas on gagne de l’argent sans travailler, sans galérer pour gagner quelques centavos et avoir quelque chose de digne pour manger, s’habiller, se soigner.

Et puis ce que font ceux d’en-haut c’est de tromper les gens. C’est ça leur travail, ils en vivent.

Et nous voyons bien que oui, il y a des gens pour croire que oui, maintenant la situation va s’améliorer, que ce dirigeant-là, oui, il va résoudre le problème, que oui il va bien se comporter, qu’il ne vas pas beaucoup voler, qu’il ne transigera qu’un peu, qu’il faut essayer.

Alors nous, nous disons que ce sont les pièces de petites histoires qui vont passer. Qu’ils doivent de leurs yeux se rendre compte que ce n’est pas quelqu’un qui résoudra le problème, mais que nous devons le résoudre nous-même, comme collectifs organisés.



Nous, femmes et hommes zapatistes, disons qu’il ne faut pas craindre que le peuple commande. C’est le plus sain et sensé. Parce que le peuple lui-même fera les changements dont il a vraiment besoin. Et ainsi seulement existera un nouveau système pour gouverner.

Ce n’est pas que nous ne comprenions pas ce que veut dire élire ou élection. Nous, femmes et hommes, les zapatistes, avons un autre calendrier et géographie de comment faire des élections en territoires rebelle, avec résistance.

Nous l’avons déjà le nôtre en tant que peuples qui élisent vraiment, et il n’y a pas de millions dépensés et encore moins de tonnes de déchets plastiques, de bâches avec leurs photos de voleurs et de criminels.

Bien sûr ça ne fait qu’à peine 20 ans que nous avançons en élisant nos autorités autonomes, avec une véritable démocratie. Avec ça nous avons avancé, avec la Liberté que nous avons conquise et avec l’autre Justice du peuple organisé. Où s’impliquent les milliers de femmes et d’hommes afin d’élire. Où toutes et tous trouvent un accord et s’organisent pour surveiller que soit accompli le mandat des peuples. Où les peuples s’organisent pour voir ce que seront les tâches des autorités.

C’est-à-dire comment le peuple commande son gouvernement.


Les peuples s’organisent en assemblées, où ils commencent par donner leurs avis et de là commencent à venir des propositions et ils les étudient les propositions, leurs avantages et inconvénients, et ils analysent quelles sont les meilleures. Et avant de décider ils les rapportent à tous les peuples pour leur approbation et retour à l’assemblée pour la prise de décision selon la majorité des décisions des peuples.

Voilà la vie zapatiste dans les peuples. C’est une culture de vérité.

Il vous semble que c’est très lent ? C’est pour ça que nous disons que c’est selon notre calendrier.

Il vous semble que c’est parce que nous sommes des peuples originaires ?
C’est pour ça que nous disons que c’est selon notre géographie.

Il est certain que nous avons connu bien des erreurs, beaucoup de failles.

Il est certains que nous en connaîtrons d’autres.

Mais ce sont nos failles.

Nous, femmes et hommes, les commettons. Nous, femmes et hommes, les payons.

Pas comme chez les partisans dont les dirigeants faillissent et en plus font payer, et ceux d’en-bas sont ceux qui payent.

Nous n’appelons ni à voter, ni n’appelons à ne pas voter. Ça ne nous intéresse pas.

Plus encore, ça ne nous inquiète même pas.

Nous, femmes et hommes zapatistes, ce qui nous intéresse c’est d’en savoir plus sur comment nous résistons et affrontons les multiples visages du système capitaliste qui nous exploite, nous réprime, nous méprise et nous vole.

Parce que ce n’est pas seulement d’un bord et d’une façon que le capitalisme opprime. Il opprime si femme. Il opprime si employé. Il opprime si ouvrier. Il opprime si paysan. Il opprime si jeune. Il opprime si enfant. Il opprime si professeur. Il opprime si étudiant. Il opprime si artiste. Il opprime si tu penses. Il opprime si tu es humain, ou plante, ou eau, ou terre, ou air, ou animal.

Peu importe combien il le parfume et le lave, le système capitaliste « dégoulinant de sang et de saleté par tous ses pores, de la tête aux pieds » (à vous de trouver qui l’a décrit ainsi et où).

Donc notre idée ne sert pas à promouvoir le vote.
Pas plus qu’à promouvoir l’abstention ou le vote blanc.

Notre pensée ne sert pas à donner des recettes de comment faire face au problème du capitalisme.
Ce n’est pas non plus pour imposer notre pensée à d’autres.

Nous pensons que nous devons nous obliger à penser, à analyser, à réfléchir, à critiquer, à chercher notre propre pas, notre propre manière, dans nos lieux et en nos temps.

Maintenant je vous demande à vous qui lisez ceci : que vous votiez ou que vous ne votiez pas, ça vous fait mal de penser comment va le monde dans lequel nous vivons, de l’analyser, de le comprendre ? Penser de façon critique vous empêche de voter ou de vous abstenir ? Ça vous aide ou pas pour vous organiser ?

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Hay lum tujbil vitil ayotik. Ça veut dire : nous sommes bien comme nous sommes.

Un autre : Nunca ya kikitaybajtic bitilon zapatista.
Ça veut dire : nous ne cesserons jamais d’être zapatistes.

Encore un : Jatoj kalal yax chamon te yax voon sok viil zapatista.
Ça veut dire : Jusqu’à la mort et même là encore je porterai mon nom d’être zapatiste.

Depuis les montagnes du sud-est mexicain.

Au nom de toute l’EZLN, des hommes, des femmes des enfants et des anciens de l’Armée Zapatiste de Libération Nationale.

Sous-commandant Insurgé Moisés.